Les Tata Somba du Bénin

Publié le par Willesco

 

  Le patrimoine architectural Béninois est constitué d'une grande diversité de types d' habitations dont le plus célèbre est l' habitation à étage de l'Atacora appelé communément "Tata Somba".
"Somba" est le nom générique retenu par l' administration coloniale pour désigner un ensemble de groupes socio-culturels vivant dans la montagne et le piémont occidental de l 'Atacora. Ce sont les Bétiabé, les Bétammaribé (Otammari au singulier) et Bésorbé. Tous ces peuples ont adopté cette forme d' architecture avec des particularités propres à chacun d'eux.

LES ORIGINES DES TATAS SOMBA :

Les habitations à étages de l'Atacora ou tatas somba sont éparpillées à la fois sur la montagne et dans les plaines sur une superficie d'au moins 400 kilomètres carrés. La région de Perma marque la limite de ces constructions. Au nord-ouest, dans la plaine du Gourma, on les rencontre en territoire Tayaba, Niendé et Berba. Au sud-ouest elles connaissent une grande extension avec un débordement en République Togolaise. Au total, l'aire d'extension des tatas en hauteur est approximativement comprise entre 1° et 1° 27 de longitude Est, 10° et 10°80 de latitude nord. Les peuples qui ont adopté cette forme d'architecture sont regroupés sous le nom générique de Somba.
Cette appellation retenue par l'administration coloniale, en fait, s'adresse à un ensemble de groupes socioculturels ou ethniques hétérogènes vivant dans la montagne et le piémont occidental de l'Atacora. Il s'agit notamment des Bétiabé, des Bétammaribè (Otammari au singulier) et Bésorbè. A ces trois groupes qui se rapprochent en raison de leurs us et coutumes, il faut rattacher les Tamberma du Togo, séparés de leurs cousins Béninois par une frontière artificielle qui n'a pas tenu compte de leurs liens traditionnels. Pour une raison de commodité l'habitation à étage est appelée "Tata somba". Les Somba en effet sont réputés pour leur génie en architecture. Les Bétammaribè, les "maçons ou constructeurs de banco, "mma" veut dire bâtir et "titanti" banco ou pisé, sont considérés comme les plus ingénieux.
A l'étape actuelle, les informations recueillies ne nous permettent guère d'avancer quoique ce soit. Cependant, on pourrait bien penser que la région d'origine des habitations à étage de l'Atacora se situe probablement au Nord-Ouest. Une visite des secteurs Ouest et Est a permis de se rendre compte que le côté occidental recèle des modèles nombreux et variés. En effet, dans cette zone cohabitent à la fois les constructions Bétammaribè, Bétiabè, Bésorbè, Tayaba et Berba. Sur le plan architectural, ces modèles sont de conceptions moins rigides, plus simples et plus susceptibles de modifications. A l'Est par contre dans la région de Perma, les "canons" de l'architecture sont fixés et mieux respectés. Selon les traditions les Bétavié viendraient du Nord, les Bétammaribè du Nord-Ouest et les Tayaba seraient les "gens des ruines", ceux qui sont restés après le départ des autres. Eu égard à la tradition et en attendant une documentation plus approfondie sur la question, nous nous contenterons pour l'instant de simples suppositions. Certes, de sérieux travaux ont été entrepris sur la question par d'éminents chercheurs, mais le problème reste entier. L'étude technique de l'habitat a partout supplanté l'étude historique. Cependant en confrontant les résultats des travaux des uns et des autres et de la tradition orale, on est tenté d'affirmer sans trop de risques de se tromper que l'habitation à étages de l'Atacora ou tata somba serait une invention purement locale.

DIMENSIONS SOCIALES PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUSES DES“ TATA ” :

L'habitation à étage à travers ses variantes locales joue un rôle à la fois défensif et économique. Elle se veut être une citadelle de premier choix dans une région où, se posaient de sérieux problèmes de sécurité des biens et des personnes. Elle joue également un rôle multipolaire dont les divers aspects sont indissociables les uns des autres. En effet, elle sert à la fois de logement à la famille, de protecteur ou de support des silos à grains, d'habitation des animaux domestiques et sauvages (abeilles). En somme, le tata somba est le refuge parfait pour hommes, animaux, oiseaux et insectes. C'est aussi un sanctuaire du clan. Si le modèle Tayaba est spécialement conçu pour abriter un couvent au rez-de-chaussée où les cérémonies d'initiation de passage de classe d'âge, le côté mystique de chaque habitation se définit à travers d'une part, l'orientation ouest-est de la concession et d'autre part, un double polarisation mâle et femelle qui détermine partiellement les fonctions.
L'Est est toujours considéré comme un mauvais côté d'où viennent tous les maux dont souffre la société (la pluie et les orages n'y sont pas absents). Le côté ouest par contre, qui marque la progression de leur migration, ne procure que bonheur. Cela nous fait croire que ces populations redoutent beaucoup l'inconnu. Et pour se consoler ou justifier leur crainte, elles lui attribuent tous les maux.
Ainsi, la maison doit toujours tourner dos au mauvais côté. Cependant, le nord et le sud déterminent les fonctions quotidiennes. Dans une demeure, tout ce qui est féminin est le plus souvent relégué au nord. Le sud est plutôt réversé aux hommes. Notons au passage que le tata des moins nantis ne comporte que trois tourelles, soit le tiers du grand tata, ou deux cases rondes. Aussi la taille du tata ou de la concession est-elle fonction de l'importance du ménage, puisqu'il est conçu pour abriter tous les membres d'une famille et leurs biens.

LES TECHNIQUES DE CONSTRUCTIONS DES TATA SOMBA :

Les populations de l'Atacora ont inventé des procédés apparemment simples pour l'édification de leurs habitations.

La maçonnerie :

Les murs sont en banco. On l'obtient en malaxant de la terre riche en ciment naturel, le plus souvent riche en fer, avec de l'eau. Le pisé, qui rappelle la technique de la maison à colombages, est rarement utilisé. Cependant, on peut rencontrer sur le bord des grands cours d'eau, les bâtisses en pisé érigées par des pêcheurs saisonniers en l'occurences les Awlans, d'origine ghanéenne. Les murs en banco ne contiennent pas de branches ni de débris de paille comme c'est le cas dans le torchis. Les murs des greniers plus fins sont par contre en torchis. L'argile ou la terre à termitière est la matière de cette technique.

Un mur s'obtient par une superposition de couches de 30 à 40 centimètres de haut. Ainsi, la hauteur d'une tourelle ou d'une case ordinaire peut se mesurer à partir du nombre de celles-ci. Les cases basses ont en moyenne entre 6 à 8 superpositions. Dans les habitations à étages on en peut compter jusqu'à 10.
Le crépis Une terre, très riche en ciment, de préférence grise, tirant sur le noir, est choisie pour cette opération. Sommairement tamisée, elle est mélangée avec de l'eau dans laquelle de la bouse de vache a été préalablement pétrie pour lui donner une certaine consistance. Ensuite, à l'aide des mains, on habille le mur avec cette pâte onctueuse. Puis on laisse sécher avant d'arroser le tout par une décoction faite d'écorces de karité ou d'écorces des fruits du néré.
L'aération Un petit trou circulaire est pratiqué juste à côté du foyer de l'étage pour permettre la circulation de l'air entre les deux niveaux. En général, les habitations ne comportent pas d'ouvertures en dehors des cuisines. Ces précautions sont guidées semble-t-il par des raisons climatiques et sécuritaires. En effet, le système de fermeture des portes et des fenêtres était assez mal développé. Pour éviter les rigueurs du climat à certains moments de l'année, il fallait limiter les ouvertures au strict minimum. Déjà, la toiture en paille était une précieuse source d'aération.
Les toitures Deux techniques sont utilisées pour la toiture par les populations de l'Atacora, à savoir : la toiture en paille ; la toiture-terrasse. -La toiture en paille Dans les toits de paille, les charpentes sont le plus souvent en tiges de mil ou en bois de fer et les plafonds en tiges de mil ou en "chaume" tressés. Pour monter la charpente, les tiges sont attachées par petites bottes de 20 à 30 tiges parfois plus (selon la grosseur des tiges) et dressées les uns contre les autres au-dessus du mur. L'ossature ou hauteur de la charpente est obtenue grâce à trois bottes-mères. Celle-ci en général, plus grosses que les autres supportent le poids de toute la structure. Une fois que la hauteur désirée est arrêtée, les trois bottelettes sont solidement attachées au sommet et on procède à la pose des autres. Le plafond, dans la majorité des cas, est en tiges de mil. On lie les tiges par les "pieds" tout comme si l'on voulait tresser une natte. Cet élément est étalé sur la charpente pour empêcher la paille de passer entre les espaces entre deux bois de charpente. Cette sorte de natte est attachée contre les bottelettes de tiges tenant-lieu de charpente par une corde tressée à l'aide des feuilles de rônier ou de raphia. Les lianes sont parfois utilisées pour ce travail. Mais avant de serrer solidement ce plafond contre la charpente, on prend soin de glisser quelques brins de paille entre le cordage et la natte en tiges. La pose de la paille s'effectue selon deux tehniques principales : La technique dite "piquée" qui consiste à étaler de la paille sur le plafond et la maintenir fixée en y enfonçant des poignées de paille. La technique du "déroulage" qui consiste à dérouler sur la charpente de la paille tressée à cet effet. Ces tresses de paille sont successivement étalées sur le plafond. Mais elles sont maintenues contre la charpente par des cordes de raphias ou de kénaf.
La toiture en terrasse Des traverses de bois sur lesquelles un treillage en lianes est confectionné sont étalées sur le sommet de la case. Elle sont ensuite recouvertes par une couche de banco. La terrasse des toitures est traitée de la même façon que la terrasse du plancher. C'est-à-dire, lissée et arrosée de décoction d'écorces de karité ou du fruit du néré.
Le plancher Le plancher est soutenu par un ensemble de poutres et de traverses dont la stabilté est assurée par la tourelle centrale.
Remarques Les maisons dans l'Atacora, en général et en particulier les habitations à étage, sont faites de banco, de bois, de tiges et de pailles. Or tous ces matériaux sont assez fragiles et se conservent difficilement. Alors, dans le cadre de la reconstruction quelles techniques pourrait-on utiliser pour limiter au minimum de lourdes charges d'entretien ? C'est une question qui à notre avis mérite d'être prise au sérieux dans l'établissement du dossier technique. Pourrait-on, comme le stipule la Charte Internationale pour la conservation des Monuments et Sites du Conseil International pour la Conservations des Monuments et Sites (ICOMOS) en son article 10, utiliser les techniques modernes de conservations sans altérer l'originalité et le sens même de l'existence de ces édifices. Pour l'ICOMOS, "lorsque les techniques traditionnelles se révèlent inadéquates, la consolidation d'un monument peut-être réalisée en faisant appel à toutes les techniques modernes de conservation et de construction dont l'efficacité aura été démontrée par des données scientifiques et, garantie par l'expérience" 2 . Elle précise par ailleurs que c'est dans l'esprit de solidarité, de sécurité et de durée des monuments. Si le banco peut-être additionné de ciment industriel pour en faire une terre stabilisée, qu'en sera-t-il des tiges qui tiennent lieu de charpente et de plafond surtout dans les habitations Berba ? Des techniques existent déjà pour le traitement du bois et de la paille peut recouvrir une toiture en tôles ondulées. Deux solutions à notre avis peuvent être envisagées. L'une consisterait en l'utilisation de faux plafonds ayant l'aspect de tiges de mil. Et l'autre consistant à ne choisir que deux pièces dans lesquelles on représenterait l'aspect original du système de couverture en tiges de mil et en pailles. Pour ce faire, l'étable et l'écurie dont les couvertures donnent sur l'extérieur ou la cuisine, pièce importante dans une concession, pourraient être retenus.
2 La Muséologie, selon G. H. Rivière. 3

FORCES ET FAIBLESSES DES TATAS SOMBA :


Les châteaux somba offrent une bonne résistance. En effet, la terre qui sert à élever leurs murs est très riche en ciment naturel. Les couches qui forment ceux-ci ont en général 30 cm de haut et sont superposées les unes sur les autres. Ces maisons sont généralement construites en saison sèche. Et à la fin des travaux de maçonnerie, les femmes enduisent l'ensemble de la bâtisse de la terre riche en argile, mélangée à de la bouse de vache. Cet enduit après séchage est recouvert d'une décoction issue des écorses du fruit du néré ou d'une solution aqueuse dérivant de la préparation du beurre de karité. Ces solutions non seulement consolident la surface de l'enduit, mais encore la rendent imperméable. Cet enduit est renouvelable tous les ans ; mais ce délai n'est pas toujours respecté.
La paille, quand à elle, à une durée maximale de trois ans. Après, elle doit être normalement renouvelée, mais ce ne serait pas compter avec l'indisponibilité des paysans, car ils n'observent jamais ces impératifs.
Le principal problème se situe au niveau du plancher. Le tourelle centrale et les fourches de soutènement constituent sa principale force. Tant que ces éléments résistent, le tata quelle que soit la rigueur des précipitations, restera debout. Le bois de karité et le bois de fer, réputés pour leur résistance et choisis pour soutenir le plancher, sont autant de sages précautions qui confèrent à l'habitation somba une longue durée.
Aussi, une fois que les murs de raccord sont entretenus (fermeture des fissures après chaque saison), l'édifice peut résister de 5 à 15 ans. Mais quand l'entretien n'est pas assuré, sa durée de vie est très réduite. Cependant, durant les deux premières années qui suivent la construction, aucun problème d'entretien ne se pose.
Le feu, régulièrement allumé dans le vestibule, non seulement assèche les parois du mur, mais renforce la résistance des poutres du plancher contre l'attaque des xylophages tels que le perce bois, la vrillette..., par le dépôt de fumée sur les parois des poutres et des traverses. Pour bâtir un tel ensemble, le chef de famille a besoin du concours de tous ses frères et amis du clan, force morale de la société somba.

 

 

  Wilfried FASSINOU

 

 

 

 

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Tata Somba moderne construit avec un mélange de terre rouge et de ciment. L'architecture est conservée.

 

 

 

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 Tata somba traditionnel construit avec de l'argile et les toits en paille.

 

 

 

 

 

 

 Tata somba

 

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Palais des congrès de Cotonou construit en s'inspirant de l'architecture original des tatas somba.

 

 

 

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